Quand les vaches font WWOOF WWOOF

Voyager gratuitement de ferme en ferme

Illustration Pascaline Lefebvre

Avis aux globe-trotters, loger et manger gratos partout dans le monde est désormais possible grâce au WWOOFing. À condition de suer un peu chaque jour, à genoux dans un champ de légumes ou sous le pis d’une vache.

Un toit et de la nourriture, c’est tout ce que le World Wide Opportunities on Organic Farm (WWOOF) a dû offrir à Aline Vanroy, professeure de musique établie en Belgique, pour la convaincre de s’envoler vers le Canada, bagage à la main. «C’est un moyen peu onéreux pour découvrir le monde, explique la jeune voyageuse de 24 ans. Le Canada, grâce à ses grands espaces, compte un nombre important de fermes biologiques, donc beaucoup de choix pour les WWOOFeurs».

Créé en Angleterre dans les années 1970, le réseau WWOOF rassemble aujourd’hui une centaine d’organisations nationales qui veillent à connecter routards et fermiers. WWOOF Canada recense 800 fermes au pays, dont 55 sur le territoire québécois. Pour 45 dollars, les voyageurs intéressés peuvent accéder à la liste des fermes participantes et faire leur choix.

 

Au terme d’un parcours transcanadien, une succession de pied-à-terre ont mené Aline Vanroy dans les campagnes de la Montérégie, de la Gaspésie et de l’Estrie, où elle travaillait de quatre à six heures par jour en échange d’un toit, de trois repas et d’un apprentissage quotidien. «Les tâches varient selon les fermes, indique-t-elle. Tu peux nourrir des animaux, cueillir des pommes, planter des tomates, du maïs, des zucchinis, aider à la mise en canne de votre délicieux sirop d’érable, rouler en tracteur ou encore vendre des produits au marché.» Au-delà du travail, c’est le sentiment d’intégration et la dimension humaine qui ont charmé la musicienne. «Dans tous les endroits où je suis allée, j’ai toujours été considérée comme une membre de la famille, note-t-elle. Tu découvres le pays, mais sans le sentiment d’être un touriste. C’est surtout ça, le but : réaliser comment vivent d’autres personnes, et quelles sont leurs habitudes. La vraie vie, quoi!» L’expérience a tellement plu à la Belge qu’elle prévoit s’installer au Québec prochainement.

Christian Voillemont, propriétaire de la ferme le Val à l’âne, qui recueille des ânes mal en point, offre une place aux voyageurs qui, comme Aline, veulent mettre la main à la pâte. Ce sont surtout des Européens qui troquent leur pavé contre la paille de son asinerie, située à Litchfield, en Outaouais. «Dans l’esprit du WWOOFing, le désir de connaître une culture étrangère et de s’éloigner du affirme est omniprésent», explique l’ânier d’origine française. Il est d’avis que le réseau WWOOF n’a rien inventé, mais qu’il a structuré une idée vieille comme le monde. «Déjà, quand j’étais jeune et fauché, je me portais volontaire pour effectuer différents travaux en échange du minimum pour subsister, se souvient-il. Depuis dix ans, c’est ce que j’offre aux voyageurs. Avec WOOFF, ce qui était informel s’est formalisé.»

Mauvaises herbes
Le WWOOFing qui, en théorie, concilie les intérêts des fermiers et des routards, engendre aussi son lot d’insatisfactions. «J’ai entendu des histoires pas très rigolotes, raconte Christian Voillemont. Par exemple, des voyageurs m’ont dit qu’ils avaient travaillé dans des conditions minables aux côtés de Mexicains rémunérés, d’autres étaient logés dans des endroits exécrables ou étaient très mal nourris. Mais ce sont des cas particuliers.»

Si les WWOOFeurs ne sont pas immunisés contre les mauvaises surprises, les propriétaires de fermes sont également vulnérables. «Certains voyageurs n’ont pas toujours la motivation souhaitée ou une vision juste du WWOOFing, remarque celui qui veut sauver les ânes de l’extinction au Québec. Il est important que les WWOOFeurs s’adaptent aux règles de la famille qui les accueille pour que la relation soit agréable. Par exemple, au moment où je vous parle, l’un d’entre eux fume dans ma maison. Dehors, ça va, mais pas dans la maison!»
John Vanden Heuvel, le fondateur de WWOOF Canada, ne nie pas l’existence de cas problématiques, mais n’a pas de chiffres à fournir. «Oui, il y a des fermes qui exploitent les WWOOFeurs, avoue-t-il. C’est aussi vrai que des WWOOFeurs ont des comportements nuisibles. Cependant, ce sont des cas isolés.» En guise de prévention et de réprimande, l’organisation s’appuie sur les dénonciations pour rayer les délinquants de sa liste.

Petit train va loin
Axé d’abord sur la rencontre, le réseau WWOOF ne s’éloigne jamais des préoccupations écologiques. «Sur notre ferme, on n’aborde pas l’environnement comme une religion ou un dogme, explique Christian Voillement. Par contre, vivre en harmonie avec la nature est un souci quotidien. Nous misons beaucoup sur ce qui est naturel. Nous n’employons donc pas de produits chimiques.»

John Vanden Heuvel, qui prévoit l’adhésion d’autres fermes québécoises à WWOOF Canada sous peu, voit son réseau comme «un mélange de possibilités d’échanges humains et de développements écologiques». Mais l’organisation ne veut pas forcer la note. À l’instar des cultures agricoles des fermes de son réseau, elle souhaite croître «le plus naturellement possible».
 

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